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Langue

La Langue, une question toujours en débat

Introduction

Depuis la réforme Haby (1975) ce domaine d’étude connaît des fluctuations dues à des orientations contradictoires influencées par des conceptions empreintes d’une idéologie du savoir héritée des études classiques. D’un côté, les défenseurs d’un savoir grammatical essentiellement syntaxique qui doit être mémorisé pour être activé quasi automatiquement. De l’autre, les promoteurs d’une approche globale de la langue comme système, donnant à l’élève une capacité d’analyse des productions orales et écrites, les siennes comme celles d’autrui. Ce qui augmente la difficulté, c’est que, à ce jour, aucun des deux camps n’est parvenu à hisser les élèves à un niveau de réussite suffisamment élevé.

Ce que désignent les nouveaux programmes

Cycle 3

Au cycle 3, en 6ème, l’étude de la langue est d’abord au service de la lecture et de l’écriture et, plus particulièrement de l’orthographe. Celle-ci offre donc une perspective d’étude du lexique et de la morphologie – notamment des mots à fréquence élevée – ainsi que des accords au sein de la phrase. Soit les objectifs suivants :

  • maîtriser les relations entre écrit et oral
  • acquérir la structure, le sens et l’orthographe des mots
  • maîtriser la forme des mots en lien avec la syntaxe
  • observer le fonctionnement du verbe et l’orthographier
  • distinguer phrase simple et phrase complexe et mettre en relation les constituants avec sa cohérence sémantique

Cycle 4

Le cycle 4 se structure autour de trois axes :

  • la grammaire au service des compétences langagières de lecture/écriture (s’approprier le sens et mener des analyses)
  • la grammaire au service de l’orthographe (prolongement du cycle 3)
  • la grammaire au service de la réflexion sur la langue comme système organisé (normes et acceptabilité)

Notre commentaire

Dernière année du cycle 3, la 6ème se voit missionnée pour parfaire une compétence de lecture/écriture qui garantit les capacités de compréhension et d’expression. Les ressources acquises aux CM1-CM2 doivent être renforcées pour que l’élève manifeste une maîtrise fonctionnelle en réception comme en production de textes. La 6ème est donc l’année où les élèves en difficulté doivent prioritairement renforcer ces domaines de connaissances et de compétences.

Au cycle 4, en lecture comme en écriture, la grammaire doit aider à maîtriser la cohérence et la cohésion des textes. La progression des apprentissages de langue ne peut donc être définir a priori mais à partir des besoins des élèves face aux faits de langue rencontrés dans les textes lus ou produits. C’est ici le point délicat qui divise les tenants d’une progression grammaticale indépendante des autres activités de la classe de français et ceux qui s’efforcent de placer dans les séquences les notions et opérations que les élèves pourront réinvestir sans délai dans les tâches qui développeront leurs compétences.

Autre injonction officielle : la posture des élèves doit être prioritairement réflexive sur le système de la langue et non pas systématiquement orientée vers la mémorisation. Là encore, l’équilibre est à trouver pour mettre à disposition des élèves des savoirs et des opérations associés à des problèmes de langue en textes et les placer dans une observation distanciée qui leur facilite l’analyse du système de la langue.

Les activités de lecture, et notamment de lecture littéraire, d’écriture et d’oral sont donc les espaces privilégiés où les élèves effectuent les observations des principaux faits de langue.

Éléments bibliographiques sur l’étude de la langue

Repères de progressivité

Au cycle 3, en 6ème

Au cycle 3, en 6ème , les cinq axes structurant le travail sur la maîtrise de la langue trouvent leur achèvement à travers des activités diversifiées.

  1. Maîtriser les relations oral/écrit : le travail de décodage (graphèmes/phonèmes) est proposé en accompagnement personnalisé aux élèves qui en ont besoin. L’homophonie lexicale et grammaticale est travaillée au sein des textes lus ou produits.

  2. Acquérir la structure, le sens et l’orthographe des mots : les activités de lecture offrent des espaces de travail du sens contextuel, complétés par l’aide du dictionnaire, base pour l’orthographe et l’étymologie, elle-même sollicitée pour l’étude des procédés de dérivation.

  3. Maîtriser la forme des mots en lien avec la syntaxe : à partir des acquis de CM1-CM2, le programme de 6ème concerne les déterminants et les pronoms, les chaînes d’accord du verbe et dans le groupe nominal.

  4. Observer le fonctionnement du verbe et l’orthographier : la manipulation de plus en plus fluide des verbes à usage fréquent va de pair avec le travail sur les temps et les modes les plus utilisés.

  5. Identifier les constituants d’une phrase simple en relation avec sa cohérence sémantique ; distinguer phrase simple et phrase complexe : le repérage sujet/prédicat est abordé dans diverses structures qui se complexifient et l’organisation de la phrase complexe est observée à partir des verbes conjugués.

Au cycle 4

Au cycle 4 , le principe essentiel de progressivité est la notion d’acceptabilité en fonction des genres, des situations d’énonciation et des effets recherchés et produits. Ainsi, les objets étudiés peuvent-ils être traités avec plus ou moins de finesse selon les besoins des élèves et la qualité de leur posture réflexive (pouvoir nommer, décrire les opérations et d’analyse des éléments repérés).

Dans ce cycle, l’élève franchit un seuil décisif : non seulement il poursuit l’analyse de la langue au niveau du mot et de la phrase mais il va aussi la situer au niveau du texte (dans sa dimension discursive et énonciative).

Ces trois niveaux donnent lieu à la découverte de notions exploitées dans les textes lus ou à produire. Ainsi les notions de cohérence et de progression textuelles se travaillent en lecture mai aussi en production de textes, narratifs, explicatifs ou argumentatifs. Le lien étroit avec les éléments syntaxiques et les procédés sémantiques permet de placer l’étude de la langue au cœur même des activités de lecture.

Quelle progression adopter ?

En 5ème, la découverte des notions doit servir la perception de nuances plus fines que la langue permet d’exprimer tant au niveau des mots ou expressions qu’à celui des constructions et des structures, dans la phrase mais aussi dans l’interphrase (l’articulation entre les unités des phrases).

En 4ème et 3ème, si chaque séquence est bâtie autour d’une compétence de lecture, d’écriture ou d’oral (écoute et/ou parole), la progression optimale est d’y placer des activités de langue qui donnent à l’élève des moyens à réinvestir dans la production finale (par exemple, le traitement de la progression thématique dans un récit à lire, le traitement du point de vue dans l’argumentation, la contradiction dans le débat). Ces activités combinent l’étude des savoirs convoqués et leur utilisation à des fins langagières.

Cette progression doit donner lieu à une trace écrite explicite pour que les élèves puissent s’y référer et réutiliser les apprentissages dans les situations et les séquences futures. La qualité de cette trace écrite (clarté, rigueur, force explicative) est un gage de réussite et permet d’assurer la continuité de la 5ème à la 3ème.

Les Apprentissages en langue

Résoudre un problème de langue

À la fin du cycle 3 et au cycle 4, deux objectifs leur sont fixés :

  • Analyser les propriétés d’un élément linguistique à l’aide d’un savoir grammatical de base ;
  • Mobiliser, en lecture comme en écriture, des connaissances permettant de construire le sens des textes et d’en analyser les composantes et les structures.

La progression doit donc mener de front des temps d’acquisition de notions (savoirs et opérations) qui devront être réutilisées dans des situations de textes, à lire ou à écrire. Ces situations sont plus ou moins ouvertes : très circonscrites lorsqu’il s’agit d’analyser le mot ou les unités au sein de la phrase simple, beaucoup plus larges lorsque l’analyse porte sur les relations interphrastiques, très ouvertes, enfin lorsque l’observation porte sur le texte dans son entier.

Cette graduation est un élément de progression des apprentissages. Lorsqu’il s’agit d’analyser des faits de langue (dans la phrase ou le texte), l’élève doit conduire une chaîne d’opérations qui équivaut à la résolution d’un problème. Au cycle 4, ce sont ces problèmes de langue qui développent la compétence de maîtrise de la langue.

Quatre opérations sont à activer par l’élève :

  • Repérer : au sein d’une unité de sens (une phrase, un texte), identifier les éléments correspondant à une notion ou à une question, suite à une consigne ou par soi-même.
  • Nommer : désigner à l’aide d’un savoir linguistique (niveau métalinguistique) ou à l’aide d’un savoir pratique (niveau épilinguistique).
  • Expliquer : justifier le fait de langue en lecture et ce qui convient ou ne convient pas dans l’élément observé en écriture.
  • Corriger : dans la situation d’écriture, proposer l’amélioration du problème identifié.

Le texte officiel insiste pour que l’élève ne soit pas uniquement dans une activité de langue qui l’incite à mémoriser des savoirs. Pour cela, au cycle 4, il doit, à l’aide de ses savoirs propres mais aussi avec une documentation à sa disposition, mener une réflexion sur les formes linguistiques que la langue met en système dans les textes.

Le Système de la langue

Dès les classes de primaire puis tout au long de la scolarité au collège et enfin, depuis la mise en place des nouveaux programmes au lycée, les élèves pratiquent l’étude de la langue. Pourtant nous constatons souvent, par exemple lors de l’oral des Epreuves anticipées de français, une méconnaissance complète du système linguistique. Ce constat nous a conduits à nous interroger sur les modalités d’acquisition des notions de langue et sur leur articulation avec des situations de réception ou de production de l’écrit. Notre hypothèse (voir Recherche en cours) est que la conscientisation du système de la langue par l’élève lecteur ou scripteur aide celui-ci à la compréhension des textes et à leur traitement, notamment dans le processus d’écriture, par des interventions facilitant l’analyse et la réécriture. Afin que l’élève parvienne à cette conscientisation et ainsi à l’autonomie, l’enseignant va devoir installer une procédure dont la description est au coeur de notre recherche. Celle-ci devra combiner l’utilisation de connaissances notionnelles et des opérations de traitement progressivement automatisées.

Les travaux conduits avec les classes où nous avons expérimenté des dispositifs ont eu dans un premier temps pour but de mettre à jour les représentations que les élèves avaient de la notion de phrase et qu’ils ont partagées au cours de l’expérimentation. Un travail sur les quatre opérations (déplacer, remplacer, supprimer, ajouter) a conduit les élèves à revenir sur ces représentations et à compléter ou modifier leur conception initiale. Dans un second temps nous avons aidé les élèves à acquérir les outils opératoires nécessaires afin de poser un diagnostic pour évaluer l’acceptabilité syntaxique d’une phrase. Pour cela nous nous sommes inspirés des travaux de Suzanne Chartrand et nous avons axé notre travail sur l’identification des constituants de la phrase puis sur l’analyse de la structure de ces constituants ; pour cela nous avons utilisé les « manipulations » proposées par Suzanne Chartrand (effacement, déplacement, remplacement, addition, encadrement). Cette première étape et les travaux conduits avec des classes (du primaire au lycée) ont permis aux élèves de se familiariser avec le fait de manipuler la phrase et d’identifier les éléments qui la constituent.

Si notre projet semble fortement concentré sur la dimension syntaxique, son enjeu reste celui de son articulation avec la dimension sémantique. La suite de notre recherche aura notamment pour objectif d’envisager le rythme et les modalités de travail sur cette combinatoire syntaxe/sémantique.

L’Évaluation dans l’étude de la langue

L’objectif de l’évaluation est double :

  • S’assurer que les élèves disposent de suffisamment de moyens (savoirs, opérations) pour observer et analyser la langue, d’abord au sein de la phrase, puis dans l’interphrase et le texte.
  • Mesurer la capacité des élèves à analyser des faits de langue dans le cadre de la lecture des textes (littéraires ou non) et à résoudre des problèmes de langue dans le cadre de la production de leurs propres écrits.

Les nouveaux programmes insistent pour que la grammaire soit au service des compétences langagières de lecture et d’écriture et au service de la réflexion sur la langue. Ils demandent que l’inflation terminologique soit évitée. Qu’en déduire ?

  1. Les apprentissages sur les notions doivent se limiter à celles qui deviennent de réels outils pour réfléchir sur la langue et son fonctionnement. Ce qui est appris doit donc être réinvesti pour analyser la phrase puis le texte. Le mot, la phrase, le texte sont les trois niveaux d’unités où se fait cette analyse.

  2. Ces apprentissages doivent permettre une démarche réflexive dynamique, ils doivent donc être automatisés ou, au moins, permettre un travail efficace. Certains élèves devront donc disposer de ressources à consulter (cahier, livre, fiches) pour mener leurs activités d’analyse.

  3. La compétence d’analyse de la langue suppose des situations-problèmes où les élèves doivent construire une solution explicite. C’est donc en lecture et en écriture que devra se réaliser l’évaluation sommative des acquis :

    1. En lecture, sur des faits de langue en texte, soit en lecture analytique soit dans l’observation des textes oraux ou écrits. La description du fait de langue, sa désignation par des termes métalinguistiques, l’explication de ses effets sont des éléments constitutifs de la performance attendue. Le niveau d’attente de l’évaluateur est dépendant des apprentissages qui auront été garantis.
    2. En écriture, l’évaluation peut porter sur les processus rédactionnels et notamment sur la réécriture d’un premier jet. Elle peut porter sur la réécriture d’un écrit donné comme point de départ du travail de reprise du texte. Dans ce cas, élève est amené à diagnostiquer des faiblesses et des incohérences, d’en nommer les éléments constitutifs et de proposer une amélioration ou une correction.

Dans tous les cas, il est souhaitable que l’évaluation en langue s’appuie sur des critères explicites, compris par les élèves. Les programmes insistent sur le principe d’acceptabilité (en fonction des genres, des situations d’énonciation, des effets recherchés et produits) qui sous-entend une confrontation des normes et leur appropriation par les élèves, non sans hésitation ou conflit cognitif.