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Écriture

Introduction

Parmi les champs que recouvre la discipline « français », il en est un qui expose à des difficultés aussi bien l’élève apprenant que son enseignant (et, pourrait-on ajouter, tout adulte ayant à conduire une telle activité), c’est celui de l’écriture. En effet, si l’acte d’écrire nécessite des compétences linguistiques solides (syntaxiques, lexicales, …), celles-ci ne suffisent pas à produire des écrits qui atteignent l’objectif qu’on leur a assigné. Outre un ensemble de savoirs de référence et la maîtrise des codes propres à chaque genre de l’écrit, on se rend compte qu’écrire nécessite également un ensemble d’attitudes et de postures, face à l’écrit, attachées également à des représentations, des sentiments et des valeurs. Enseigner l’acte d’écrire (et non enseigner uniquement des types de productions écrites) nécessite de mettre en place des gestes propres à cette activité mais aussi de se pencher sur ce rapport intime que nos élèves entretiennent avec l’écriture.

Bibliographie

Hélène Guillerme, Jean-Claude Meyer, Agnès Surgey, Maitriser l’écrit en classe de français, Des cercles de lecture aux cercles d’écriture au collège (Chronique Sociale, 2022)

Christine Barré – De Miniac, Le Rapport à l’écriture, Aspects théoriques et didactiques (PU Septentrion, 2000)

Claudine Garcia-Debanc, dans Pratiques n°77 (1993) : Enseignement de la langue et production d’écrits

Marie-Claude Penloup, L’Écriture extra-scolaire des collégiens (ESF, 1999)

Sylvie Plane, Écrire au collège, didactique et pratiques d’écriture, 1994

Revue Pratiques n° 161-162 (2014) Quels apports de la recherche pour l’écriture en classe ?

L’Écriture : un processus et une production

La lecture des travaux théoriques sur les dimensions psycho-affective ou sociologique de l’écriture permet d’éclairer la complexité de l’acte d’écriture et donne des pistes de travail dont certaines seront développées ici ; les travaux en psychologie cognitive, notamment ceux de JR Hayes et LS Flower (en 1980 puis 1995) élaborés à partir de la verbalisation, par des adultes en situation d’écriture, de ce qu’ils font, mettent en lumière trois ensembles d’opérations qui peuvent permettre une organisation de l’apprentissage : la planification, la mise en texte, la révision. Ils montrent que « écrire » ce n’est pas seulement « écrire », c’est réfléchir, se souvenir, se relire, …

C’est cette dimension de l’écriture qui nous semble davantage présente dans les nouveaux programmes de français au collège applicables à la rentrée 2016.

Nous constatons tout d’abord que ceux-ci n’imposent plus, comme les précédents, des objectifs en termes de fréquence et de longueur des productions écrites ; ils insistent sur la « diversité » et la « fréquence des activités d’écriture ». Par ailleurs, l’accent est mis sur le lien entre écriture et langue d’une part, entre écriture et lecture d’autre part, mais aussi sur l’activité d’écriture vue dans son rapport aux autres matières et à l’acte d’apprendre, celle-ci devant permettre à l’élève de réfléchir (c’est ce que l’on peut appeler « écriture de travail »). Enfin, si le texte officiel réaffirme l’importance de l’apprentissage des codes et des normes qui régissent les productions écrites, il semble opérer un déplacement intéressant en accordant une importance accrue à l’écriture vue comme un processus, celui-ci constituant un objet d’apprentissage à part entière, permettant à l’élève d’adopter une « posture réflexive » ; nous notons, pour le cycle 3 : les élèves affirment leur posture d’auteur et sont amenés à réfléchir sur leur intention et sur les différentes stratégies d’écriture, pour le cycle 4 : Stratégies permettant de trouver des idées ou des éléments du texte à produire.

Enfin, pour le cycle 3, dans la partie Réécrire à partir de nouvelles consignes ou faire évoluer son texte nous pouvons lire :

  • Conception de l’écriture comme un processus inscrit dans la durée.
  • Mise à distance de son texte pour l’évaluer.

Nos propositions ont pour but d’accompagner les élèves au cours de ce « processus » et de mettre en place des modalités permettant la « mise à distance ».

Nous avons repris la question de l’apprentissage et de l’évaluation de l’écriture dans le chapitre 6 de notre ouvrage Maitriser l’écrit en classe de français, pages 47 à 68. Un dispositif « Les cercles d’écriture, Dans la peau d’un écrivain » (pages 139 à 184) présente les activités d’écriture collaborative et l’usage du « Grand Brouillon » (Le Goff).

Des activités pour construire une posture réflexive

Il appartient à l’enseignant de français de se questionner sur les stratégies à mettre en place pour permettre à l’élève de ne pas se centrer uniquement sur la production écrite mais aussi de prendre conscience du processus qui le conduit à celui-ci.

Marie-Claude Penloup, dans L’Écriture extra-scolaire des collégiens (ESF, 1999) a montré que, malgré le discours ambiant sur le refus de l’écrit manifesté par les jeunes, ceux-ci ont des pratiques nombreuses et diverses de l’écriture. Il n’empêche que l’écriture en situation scolaire, fortement codifiée et évaluée par la note, peut susciter craintes et blocages.

  1. Le premier dispositif que nous présentons ici a pour objectif de faire émerger les représentations et de les faire évoluer. Ceci peut être réalisé en ayant recours à plusieurs types de médiations que constituent l’échange oral, la lecture de témoignages sur l’expérience de l’écriture et la mise en situation dans laquelle les élèves sont invités à écrire puis à s’exprimer sur leur écriture.

  2. Le deuxième dispositif a pour objectif de rendre les élèves conscients de ce qui se passe lorsqu’ils écrivent, des postures qu’ils adoptent.

  3. Le troisième dispositif doit permettre à l’enseignant de s’interroger sur la nature et la place de ses interventions sur les textes de ses élèves.

Ces trois dispositifs ont été conduits dans des classes de 3ème de différents collèges.

Progression et évaluation

Il serait important que les équipes envisagent, sur les quatre années du collège, une progression qui permettrait aux élèves de réfléchir aux enjeux et aux difficultés de l’écriture, d’analyser leur posture de scripteur et d’être confrontés aux interventions sur leurs textes. Ce travail de la classe de français aurait à coup sûr des répercussions sur les pratiques « ordinaires » de l’écriture dans les autres disciplines.

Si, comme nous le préconisons, l’acte d’apprentissage, dans le domaine de l’écriture, est envisagé aussi bien du point de vue de la production écrite que de celui du processus d’écriture, l’évaluation doit s’intéresser à l’activité cognitive du scripteur. Elle pourra pour cela s’appuyer sur un dispositif d’auto-évaluation (par exemple à partir d’un carnet de bord de l’écriture) ou sur l’évolution entre les différents états d’un texte produit.